Statue dans un musée rempli de courants d’air. Ma nudité menace ta sécurité. Tu
t’écartes comme des murs ébahis. Toute la nuit son souffle de papillon vibre. J’écoute.
La main laisse une trace épidermique
de son violent retrait. Tout le matin depuis ce matin sombre. Fleur ignorée, j’organise des listes. Mes os renferment le silence. Les
cris de mes propres enfants font au loin mon cœur
fondre. Garantie à vie. Ça travaille ça fait à
manger. Et ça parle. Vous avez un trou, c’est une ventouse. Vous avez un œil, c’est une image. C’est intenable tous les
aujourd’hui. Je
suis scellée. Je brûle et me consume. De la cendre saupoudrée sur le lac. La nuit, ça claque des ailes. Et part, toutes griffes dehors, chercher de quoi
aimer. Avec mes cheveux d’algues je sors et dévore les hommes. Dévore les hommes comme l’air. Un petit restant de vie. Un
dernier feu. Et puis bientôt plus rien. Aussi faut-il s’embraser séance
tenante. Pupille stupide et dilatée. Comme la lumière se pose sur ces murs, ce lit, ces mains, je ne suis personne. Les explosions ne me
concernent pas. J’ai abandonné mon nom. Je n’en ai jamais eu. Perdue, mes bagages m’encombrent. Sur la photo
de famille, les sourires s’accrochent, petites griffes mesquines. Moi dans l’angle
mort. J’ai laissé les choses filer. Ainsi amarrée. L’eau monte. Me voilà nonne maintenant. Carmélite à usage privé. Je
reste couchée les paumes offertes, complètement vide. Personne ne me prête
attention ou l’on me dévisage. Ombre de papier découpé. Origami ingénieux : on dirait qu’il flotte
alors qu’il pèse. Je n’ai plus de visage. Les gens je les déçois. Epave rouille de rouge d’un moteur.
On dirait que les
murs s’animent
eux aussi. Malaise saboteur. Malaise kamikaze. La pulpe du cœur affronte sa petite meule de silence. Poupée souillon. Brisée brisée.
Jusqu’à ce que ta tête soit une pierre. Je lève une main de barbelés rouges. Je suis cette demeure hantée par un cri. Silence s’enroule. Vampirisée par
cette chose obscure qui sommeille en moi. Tout le jour je subis son manège, je souris par-dessus
l’insistance de la voix. Il faut payer pour regarder mes cicatrices. Il faut
payer - et très cher ! - pour avoir un mot, un geste, un peu de sang. Voilà Herr Ennemi. Au marché mon cœur rouge fleurit
incroyablement mon manteau. Que suis-je si ces bouches et moi pas. Silence s’enroule. Que
suis-je ? Une eau verte ouvre un œil malade de tout ce qu’il a englouti.
Virulence immobile. Au
balcon les
choses brillent. Les choses. Voici le flanc d’un homme : les côtes rouges. On se croirait devenu
propriétaire d’un saint. La date toute nue grave
dans l’argent ses chiffres qui disent : au compteur de l’alliance une année de plus. S’avance une nouvelle avec
son ciel de sourires réservés pour
plus tard. La fleur des fiançailles a épuisé sa fraîcheur depuis longtemps. Je gis
desséchée entre les draps. L’herboriste est toxique et négligent. Comme le
meurtrier, il n’a pas de visage. C’est la faille isolée. L’erreur lente qui
tue, qui tue. Derrière
la vitre, le
monde remue. Caresse papier de verre. Tout ce qui vient du dehors me fissure. Pas de stase.
Quelqu’un quelque part est foutu. Sans reflet, contrairement au cygne, l’homme-araignée
m’a capturée. Il voudrait me faire dormir dans son réduit minable. Me faire
passer un concours pour turbiner à La Poste. Conserver tous mes bouts.
Sauve-toi relique ! Mes doublures
s’accrochent à ma coque, pressantes comme des
sœurs, stigmates en plein centre. Si tu savais combien de jours ces voiles m’ont tuée. Pour toi ils sont
transparences, limpidité de l’air. Pas même insignifiance arachnéenne réclamant
le cagneux du balai. Bouteille
dans quoi je vis.
Assassinée tous les jours en pleine lumière sous le sceau du licite. Tu n’as
qu’une jambe et je boite. Je regarde ma robe de mariée qui me raconte pourquoi.
Je suis seule avec moi, trempée jusqu’à la taille, mourant d’envie de dire
quelque chose de définitif. A la rigueur avoir quelque chose en tête comme l’Amérique. Mais haine à ras bord.
Haine à ras bord. Triple du morne. Triple du rien. Triple bouchée de cendre. Epluchures, couches, acétylène. Triple
jupon de putain. Sous le châle maillé, le corps dépouillé
de ses velours, si peu royale et même
scandaleuse. Qu’importe de récurer l’évier trois fois quand je porte le même T-shirt sale depuis sept jours.
J’essuie les assiettes avec les cheveux longs des servantes de la Longue Dame Disparue. Dehors,
le monde a lieu. Et
puis, soudain : paupière de lézard, la nuit se referme d’un coup sec, les
doigts piégés dans un tumulte de clefs. Tout est en rang de tes ordres. Jusqu’à ma chair hérissée. Sourire limaille de
fer. Je me maquille en clown parce que ça me fait moins peur.
Il n’y a pas de terminus.
Juste des valises d’où se déplie la même identité comme un costume brillant d’usure aux poches autrefois pleines de vœux. Il
n’y a pas de terminus. On
ne va nulle part et on ne descend pas. Il n’y pas de terminus.
1 commentaire:
Cet ARIEL constitue l'hommage d'e.m.d. (Emma) au recueil éponyme de SYLVIA PLATH --- Ma propre contribution (je n'ai rien écrit ni supprimé ni déplacé) s'est limitée à suggérer la mise en page, biscornue, dans une optique arbitraire consistant à privilégier (ZOOM) certains objets physiques, les sensations imaginaires d'un JE condamné à rester à jamais prisonnier de sa chambre (=d'une idée de chambre, ou cellule) --- Nous en avons parlé au téléphone et cette approche lui a paru admissible, (la question de la porte fermée --- reste ouverte ---) S'agissant d'une lecture parmi d'autres, il faudrait qu'un autre lecteur se sente libre de déplacer à son grès ces accents --- Fidèle, en cela, à l'exemple déjà donné ici par EMMA d'une LECTURE ACTIVE d'Ariel, et de toute poésie.
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