lundi 9 novembre 2009

NORD - Juvenalia berlinoise


Trois fois dans ma vie je suis parti visiter Berlin. Cette année, où j’y ai vu plein de vélos, de fêtes en plein air et de nouveaux buildings élevés à la gloire des multinationales ; en juillet 2001 quand le Berlin techno flamboyant, celui du Trésor, jetait ses derniers feux nécessairement stroboscopiques ; et avant cela en ce fameux mois de novembre 1989 qu’on commémore ces temps-ci avec énormément d’insistance. J’en avais alors ramené un texte, publié dix ans plus tard avec les photos de Manuel Attali ‑ aujourd’hui co-directeur de ED Distribution, distributeur français des films de Guy Maddin, Plympton, etc.:
http://www.eddistribution.com/


Ce tout petit livre, plutôt original je crois, a été conçu et réalisé avec le concours des graphistes Blanche Rubini et Olaf Mühlmann. En 99 et 2000 j’en ai vendu pas mal (l’entendre au sens relatif) en marge de colloques, de salons et autres évènements. Ce coup-ci je me serais bien vu faisant la tournée des écoles flanqué de ma bouteille d’Evian et précédé par mon aura de sagesse vénérable, mais avec Manu nous avons opté plus modestement pour une remise en vente de quelques exemplaires jusqu’ici stockés dans un coin chez une poignée de libraires qui sont désormais libre de le vendre au prix de leur choix, comprendre : moins cher.

À PARIS : chez un des libraires soutenant la revue Borborygmes, Matière à Lire (20 rue de Chaligny), et à L’Alinéa (également dans le 12e, au 227 de la rue de Charenton).
http://www.lechoixdeslibraires.com/librairie-14237-librairie-matiere-a-lire-paris-france.htm

http://www.rue-des-livres.com/librairie/522/l_alinea.html

À ORANGE : dans la librairie de l’autre moitié des Mutants Anachroniques, L’Orange Bleue :
http://www.orangebleue-librairie.com/index.php?p=orange
Last but not least :

à BERLIN, dans la remarquable librairie française de Patrick Suel, Zadig (voir aussi son site pour lequel j’ai écrit une petite chose sur le Musée des Ramones, qui m’a d’une certaine manière ramené au temps où j’essayais de gagner ma vie comme guide de voyage.)

http://www.zadigbuchhandlung.de/


Pour en revenir au livre, je pense que celle des photos de Manu qui est partiellement reproduite sur la jaquette aurait mérité de faire une couverture de magazine, genre historique et tout, au lieu de seulement accompagner l’essai poétique du gamin de 20 ans mal dégrossi que j’étais au moment de l’écrire. L’âge bien sûr n’est pas la vraie question — voyez Clément Ribes ! — mais je suis bien placé pour juger du peu de maturité littéraire que je possédais, moi, à l’époque. Ce texte en particulier, pourtant, je ne me sens pas de le renier. Je ne suis certes ni très fier ni tout à fait dupe de cette pose romantico-cynique qui me faisait clamer haut et fort que j’étais venu à Berlin moins pour célébrer un événement a priori réjouissant que pour simplement voir le Mur. D’un autre côté, quand j’écrivais « Nous en construirons d’autres », il me semble aujourd’hui que c’était plutôt bien vu.

J’ai entendu ce matin à la radio qu’on reprochait en Allemagne aux parents, plus spécialement à l’est, de ne pas assez enseigner à leurs enfants combien la RDA était un pays atroce comparé au voisin qui l’a, depuis, si généreusement absorbé. Plus précisément on déplore que les jeunes peinent à identifier ce qui, exactement, distingue une démocratie d’une dictature. Une démocratie, j’imagine, ne fiche ni n’écoute ses citoyens. Une démocratie ne permet pas que soit reconduit dans ses fonctions, fût-ce par les urnes, un dirigeant, ou plusieurs, ayant par des mensonges aussi répétés que délibérés déclenché une guerre. Une démocratie n’organisera jamais un référendum dont on ne tiendra, ensuite, aucun compte. Une démocratie ne saurait tolérer longtemps, en son sein, une sphère d’activité et de décision qui échappe presque totalement à la juridiction commune au nom d’une pseudo « loi naturelle », qu’elle ait été mise au jour par Marx ou par Friedmann. « Nous sommes le peuple », donc nous n’avons pas à payer, au sens propre, pour l’incurie criminelle d’apparatchiks qui menacent de mettre notre pays, et les autres, en faillite. Tout ça va de soi, nicht wahr ?


Pas de doute. Ils sont cons, ces jeunes. À croire qu’ils n’ont pas suivi avec assez d’attention les édifiantes aventures de Jack Bauer. En fait il y a dans mon poème un genre de « lucidité » — mot très à la mode parmi mes amis à l’époque — qui curieusement me dérange. Qui est comme un préalable à la résignation contre laquelle je n’en peux plus de lutter, quand je tourne et retourne dans ma tête cette belle formule née, je crois, dans les rues de Leipzig, ce « Nous sommes le peuple » dont j’ai déjà parlé. Aujourd'hui donc Le Figaro Magazine (!) titre : Il y a 20 ans, LA LIBERTÉ. Oui — il y a 20 ans.


f.m.